2. Qu’est-ce qu’une société juste ?

Définir et mesurer les inégalités économiques ou sociales est utile lorsqu’on cherche à observer leur évolution et surtout quand on considère qu’il est juste de les réduire. La question de la justice sociale traverse l’histoire de la pensée des sociétés démocratiques et continue à se poser aujourd’hui. Si Aristote considérait déjà que « Tous les hommes sont d’avis que le juste consiste dans une certaine égalité », ceci nous amène à poser deux questions : à quelle égalité fait-on référence ? Quelles inégalités peuvent être considérées comme injustes ? Mais la réflexion, nous le verrons, déborde sur la question de la liberté : peut-on abandonner la liberté pour plus d’égalité ? Il existe autant de conceptions de la justice sociale qu’il existe de réponses différentes à ces deux questions.

Définir et mesurer les inégalités économiques ou sociales est utile lorsqu’on cherche à observer leur évolution et surtout quand on considère qu’il est juste de les réduire.

La question de la justice sociale traverse l’histoire de la pensée des sociétés démocratiques et continue à se poser aujourd’hui. Si Aristote considérait déjà que « Tous les hommes sont d’avis que le juste consiste dans une certaine égalité », ceci nous amène à poser deux questions : à quelle égalité fait-on référence ? Quelles inégalités peuvent être considérées comme injustes ? Mais la réflexion, nous le verrons, déborde sur la question de la liberté : peut-on abandonner la liberté pour plus d’égalité ? Il existe autant de conceptions de la justice sociale qu’il existe de réponses différentes à ces deux questions.

2.1. Les différentes conceptions de l’égalité.

Nous venons d’observer l’évolution des inégalités, la façon dont elles se cumulent, selon leur nature et entre les générations ; ces constats montrent que la marche des sociétés démocratiques vers l’égalité comme la concevait Alexis de Tocqueville n’est pas inéluctable. Mais il nous faut donc préciser ce que l’appelle « égalité ». Égalité de quoi ? entre qui ? Il nous faudra préciser ce qui doit être égal, pour que la société soit juste.On distingue trois formes d’égalité, qui se complètent mais entrent aussi en tension.L’égalité des droits garantit à chacun un traitement égal devant la loi ; les droits et devoirs sont les mêmes pour tous.L’égalité des chances assure à tous des possibilités de réussite et d’ascension sociales, garantit que la compétition pour l’accès aux ressources rares n’est pas faussée ; et donc que les probabilités d’accès aux différentes positions sociales sont les mêmes pour tous.L’égalité des situations [on parle parfois d'égalité des conditions ou d'égalité des places ou d'égalité des résultats voire d'égalité réelle] donne à chacun les mêmes conditions de vie assure que les conditions matérielles d’existence (logement, revenu, espérance de vie…) sont les mêmes.On peut considérer qu’il y a une différence de degré, d’une certaine façon, entre ces trois formes d’égalité : l’égalité des droits serait le socle minimal reconnu dans toute société démocratique, l’égalité des chances viendrait la renforcer, et l’égalité des situations serait une forme plus aboutie encore, voire absolue ou stricte de l’égalité. Mais ces trois formes d’égalité ne sont pas toujours compatibles entre elles :L’égalité des droits peut parfois être limitée pour assurer une véritable égalité des chances : c’est ce que font les politiques de « discrimination positive » qui visent à accorder des droits supplémentaires à des individus pour compenser des handicaps naturels ou sociaux dont ils sont porteurs. Accorder une place en priorité dans un établissement d’enseignement supérieur (quotas ou points bonus dans la sélection) aux jeunes issus de catégories défavorisées socialement est une mesure qui rompt avec l’égalité des droits pour mieux assurer l’égalité des chances. Dans ce cas, l’égalité des chances n’est pas compatible avec une parfaite égalité des droits.L’égalité des chances peut aussi permettre de relativiser l’importance de l’égalité des situations : elle peut rendre légitimes certaines inégalités de situations, dans la mesure où elles ont été réalisées dans le respect de ce principe d’égalité des chances. C’est le principe méritocratique. Ce principe suppose à la fois que tous les individus peuvent réussir selon leur mérite et que, si certains individus réussissent mieux et en sont récompensés d’une manière ou d’une autre (revenus plus élevés, positions sociales plus prestigieuses, etc.), cela n’est dû qu’à leur mérite. La recherche de l’égalité des situations nuirait à l’égalité des chances et à l’expression des talents des individus.À l’inverse, les tenants d’une conception forte de l’égalité des situations remettent en cause l’égalité des chances et la considèrent comme un leurre. Ils estiment donc qu’elle ne doit pas être primordiale. En effet, l’égalité des chances peut être respectée alors que les situations restent très inégales : par exemple, tous les élèves de terminale peuvent candidater pour les IEP, et certains peuvent même profiter d’une « convention d’éducation prioritaire » pour améliorer leurs chances de réussite au concours. Pourtant, les étudiants issus des classes sociales supérieures sont toujours surreprésentés dans les IEP. On tendrait alors à considérer que l’égalité des chances et l’égalité des situations sont incompatibles. Mais ce serait oublier un peu vite qu’elles peuvent aussi être liées. En effet, comme le montre la courbe de Gatsby, il peut y avoir un lien entre inégalités des chances et inégalités des situations : réduire les écarts de revenus ou de conditions de vie entre les différentes positions sociales augmente les chances d’accès aux différentes positions pour tous. Ainsi, une plus grande égalité des situations (en matière de revenu ou de conditions de vie par exemple) favorise l’égalité des chances. L’égalité des chances ne se pense pas sans l’égalité des situations. Au final, les différentes formes d’égalité peuvent être compatibles, mais pas toujours.Derrière ces réflexions, c’est la question de l’équité qui se pose : ce qui est égal peut être juste ou injuste, selon le jugement moral qu’on porte sur cette égalité.

Nous venons d’observer l’évolution des inégalités, la façon dont elles se cumulent, selon leur nature et entre les générations ; ces constats montrent que la marche des sociétés démocratiques vers l’égalité comme la concevait Alexis de Tocqueville n’est pas inéluctable. Mais il nous faut donc préciser ce que l’appelle « égalité ». Égalité de quoi ? entre qui ? Il nous faudra préciser ce qui doit être égal, pour que la société soit juste.

On distingue trois formes d’égalité, qui se complètent mais entrent aussi en tension.

  • L’égalité des droits garantit à chacun un traitement égal devant la loi ; les droits et devoirs sont les mêmes pour tous.
  • L’égalité des chances assure à tous des possibilités de réussite et d’ascension sociales, garantit que la compétition pour l’accès aux ressources rares n’est pas faussée ; et donc que les probabilités d’accès aux différentes positions sociales sont les mêmes pour tous.
  • L’égalité des situations [on parle parfois d'égalité des conditions ou d'égalité des places ou d'égalité des résultats voire d'égalité réelle] donne à chacun les mêmes conditions de vie assure que les conditions matérielles d’existence (logement, revenu, espérance de vie…) sont les mêmes.

On peut considérer qu’il y a une différence de degré, d’une certaine façon, entre ces trois formes d’égalité : l’égalité des droits serait le socle minimal reconnu dans toute société démocratique, l’égalité des chances viendrait la renforcer, et l’égalité des situations serait une forme plus aboutie encore, voire absolue ou stricte de l’égalité. Mais ces trois formes d’égalité ne sont pas toujours compatibles entre elles :

  • L’égalité des droits peut parfois être limitée pour assurer une véritable égalité des chances : c’est ce que font les politiques de « discrimination positive » qui visent à accorder des droits supplémentaires à des individus pour compenser des handicaps naturels ou sociaux dont ils sont porteurs. Accorder une place en priorité dans un établissement d’enseignement supérieur (quotas ou points bonus dans la sélection) aux jeunes issus de catégories défavorisées socialement est une mesure qui rompt avec l’égalité des droits pour mieux assurer l’égalité des chances. Dans ce cas, l’égalité des chances n’est pas compatible avec une parfaite égalité des droits.
  • L’égalité des chances peut aussi permettre de relativiser l’importance de l’égalité des situations : elle peut rendre légitimes certaines inégalités de situations, dans la mesure où elles ont été réalisées dans le respect de ce principe d’égalité des chances. C’est le principe méritocratique. Ce principe suppose à la fois que tous les individus peuvent réussir selon leur mérite et que, si certains individus réussissent mieux et en sont récompensés d’une manière ou d’une autre (revenus plus élevés, positions sociales plus prestigieuses, etc.), cela n’est dû qu’à leur mérite. La recherche de l’égalité des situations nuirait à l’égalité des chances et à l’expression des talents des individus.
  • À l’inverse, les tenants d’une conception forte de l’égalité des situations remettent en cause l’égalité des chances et la considèrent comme un leurre. Ils estiment donc qu’elle ne doit pas être primordiale. En effet, l’égalité des chances peut être respectée alors que les situations restent très inégales : par exemple, tous les élèves de terminale peuvent candidater pour les IEP, et certains peuvent même profiter d’une « convention d’éducation prioritaire » pour améliorer leurs chances de réussite au concours. Pourtant, les étudiants issus des classes sociales supérieures sont toujours surreprésentés dans les IEP. On tendrait alors à considérer que l’égalité des chances et l’égalité des situations sont incompatibles. Mais ce serait oublier un peu vite qu’elles peuvent aussi être liées. En effet, comme le montre la courbe de Gatsby, il peut y avoir un lien entre inégalités des chances et inégalités des situations : réduire les écarts de revenus ou de conditions de vie entre les différentes positions sociales augmente les chances d’accès aux différentes positions pour tous. Ainsi, une plus grande égalité des situations (en matière de revenu ou de conditions de vie par exemple) favorise l’égalité des chances. L’égalité des chances ne se pense pas sans l’égalité des situations. Au final, les différentes formes d’égalité peuvent être compatibles, mais pas toujours.

Derrière ces réflexions, c’est la question de l’équité qui se pose : ce qui est égal peut être juste ou injuste, selon le jugement moral qu’on porte sur cette égalité.

2.2. Les différentes conceptions de la justice sociale.

La possibilité d’un tel jugement suppose de définir des critères de justice sociale permettant de préciser ou d’affirmer ce qui doit être égal ou pas. Ces critères sont ceux étudiés par les théories de la justice sociale : selon notre conception de la justice sociale, on ne répondra pas de la même manière à la question "quelles inégalités sont justes ou injustes ?". Il n’y a pas de consensus sur la manière dont la justice doit être conçue et réalisée. Plusieurs doctrines de la justice sociale - idéal précisant ce qu'est une répartition juste des ressources matérielles ou symboliques d'une société – ont été développées par des philosophes ou des économistes. Nous allons en présenter quatre parmi les principales.

La possibilité d’un tel jugement suppose de définir des critères de justice sociale permettant de préciser ou d’affirmer ce qui doit être égal ou pas. Ces critères sont ceux étudiés par les théories de la justice sociale : selon notre conception de la justice sociale, on ne répondra pas de la même manière à la question "quelles inégalités sont justes ou injustes ?". Il n’y a pas de consensus sur la manière dont la justice doit être conçue et réalisée. Plusieurs doctrines de la justice sociale - idéal précisant ce qu'est une répartition juste des ressources matérielles ou symboliques d'une société – ont été développées par des philosophes ou des économistes. Nous allons en présenter quatre parmi les principales.

2.2.1. L’utilitarisme définit une société juste comme celle engendrant le bien-être total le plus élevé possible.

Fondée par J. Bentham (1748-1832) puis popularisée par JS Mill, l’utilitarisme - issu de la philosophie des Lumières - se veut alors une doctrine humaniste et moderne. Il prône qu’aucune autorité naturelle ou divine ne peut décréter ce qui est juste ou bon pour les hommes. Seuls comptent les états de plaisir ou de souffrance vécus par les êtres humains eux-mêmes. Une société juste est une société heureuse.

L'approche utilitariste présuppose qu'il est possible de faire correspondre à chaque individu un niveau d'utilité – ou un niveau de bonheur – pour toute option envisageable, puis d'additionner les niveaux d'utilité atteints par chacun afin de découvrir l'option à laquelle correspond la somme la plus élevée d'utilités.

Cette approche présente deux intérêts majeurs : elle accorde une égale importance au bonheur de chaque individu dans le calcul de la somme des utilités ; et les règles morales n'ont de sens que si elles ont un impact positif sur le niveau de bonheur.

Elle comporte toutefois plusieurs limites éthiques importantes. Ainsi, il est possible d'atteindre l’utilité la plus élevée avec un haut niveau d'inégalité : selon cette conception, la justice sociale est indépendante du degré d’inégalité et la réduction de la pauvreté n’est un objectif que lorsqu’elle permet d’augmenter la satisfaction globale. La doctrine utilitariste ne tient donc pas compte de la façon dont l’utilité collective (ou bien-être collectif) est répartie entre les membres de la société. On pourra par exemple considérer comme juste le fait qu’une minorité d’enfants accède à l’enseignement supérieur tandis qu’une grande partie n‘est pas du tout instruite, si la satisfaction que les premiers en obtiennent est supérieure à ce que procurerait l’éducation du plus grand nombre. Cette doctrine peut donc justifier le sacrifice d’une minorité, au profit de la société dans son ensemble, dès lors que l’utilité à l’échelle de la société est maximale. Toutefois, de ce point de vue, l’utilitarisme est ambigu, car, à l’inverse, les utilitaristes peuvent considérer que l’utilité d’un euro supplémentaire procure plus de bien-être à un individu pauvre qu’un euro en moins pour une personne très riche : la redistribution des plus riches vers les plus pauvres peut ainsi procurer un plus grand bien-être. Apparaissent ainsi deux autres difficultés pratiques et éthiques : comment mesurer l’accroissement d’utilité provoqué par telle ou telle action ? peut-on réduire l’utilité d’un individu au profit d’autres individus qu’il soit au départ favorisés ou non ?

2.2.2. L’égalitarisme strict : la dénonciation de l’exploitation capitaliste par Karl Marx et l’espoir d’une société sans classes sociales comme forme ultime de société juste.

Cette doctrine peut renvoyer principalement à l’analyse marxiste. Pour Marx (1818-1883), la société capitaliste est injuste car elle repose sur l’inégale répartition des moyens de production et les prolétaires n’ont pas d’autres choix que de vendre leur force de travail pour vivre, même dans des conditions misérables. L’objectif est de supprimer la propriété privée afin de supprimer l’accès privilégié pour certains individus aux moyens de production et de supprimer le capitalisme : cette nouvelle société visera l’abondance et distribuera les richesses de façon à obtenir l’égalité réelle entre les individus.

C’est pourquoi l’égalitarisme strict s’inscrit en rupture avec la philosophie sous-tendue par les trois autres conceptions étudiées ici : elles sont toutes plus ou moins tolérantes avec certaines inégalités économiques, alors que dans cette conception, une société juste est une société dans laquelle les individus sont réellement égaux, en tout cas vis-à-vis de l’accès aux moyens de production.

La réduction de ces inégalités doit donc être l’objectif de justice principal. L’égalitarisme strict considère que l’égalité des droits n’est que formelle et que, appliquée à un système inégalitaire, elle ne permet que de légitimer et reproduire les inégalités déjà en place. Il faut donc supprimer la propriété privée (notamment des entreprises) et chercher à atteindre une égalité des situations. Une société « juste » serait une société dans laquelle l’exploitation serait abolie et dans laquelle chacun pourrait puiser dans la richesse commune en fonction de ses besoins. D'où la célèbre citation de Marx : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ».

Donner à chaque enfant le même niveau de maîtrise d’un socle commun de connaissances est un objectif à court terme juste socialement, dans le cadre de cette conception égalitariste de même que l’instauration d’un impôt sur le revenu fortement progressif et l’abolition du droit d’héritage.

Les critiques de l’analyse de Marx portent d’abord sur l’existence de l’exploitation source de l’injustice des sociétés capitalistes d’après Marx : n’y a-t-il que les salariés voire les ouvriers qui sont productifs ? Ensuite, beaucoup d’économistes et de philosophes doutent de la possibilité effective de créer une société sans classe dans laquelle les différences sociales, la spécialisation n’existeraient pas et dans laquelle chacun pourrait changer d’activité au cours de la journée en toute liberté.

2.2.3. Le libertarisme défend la propriété de soi et la libre disposition des fruits de son travail comme base de la justice sociale.

À l’opposé d’un égalitarisme strict, le libertarisme, défendu notamment par Rothbard et Nozik, rejette toute tentative de réduction des inégalités économiques ou sociales. La société juste est celle qui garantit l’égalité des droits aux individus et surtout les libertés. Cette égalité de droit correspond notamment à deux aspects : la propriété de soi et la juste circulation de ces droits de propriété. Illustrons ces deux principes. Le propriété de soi signifie que l’État ni aucune personne ne doit limiter ou interdire l’utilisation de son corps ou des produits de son corps. Par exemple, consommer de la drogue, mettre sa ceinture de sécurité ou se faire vacciner doit être laisser à la seule initiative libre des individus. De plus, tout individu doit avoir le droit de garder les fruits de son activité libre. L’État ne doit pas ainsi prélever des impôts sur le revenu des individus de même que les individus doivent être totalement libres de vendre les produits de leur activité libre. Pour F. Hayek (1899-1992) l’idée même de justice sociale est absurde, car les inégalités entre individus sont légitimes et naturelles dès lors qu’elles résultent d’activités exercées librement. Corriger les inégalités pourrait même aller contre les libertés économiques et les droits individuels. Ainsi, l’école ne concerne pas l’État, chacun doit être libre de faire des études ou pas, est propriétaire de ses talents et doit pouvoir les développer par l’accès à des écoles privées qui se font librement concurrence. Non seulement il ne faut pas combattre les inégalités, mais elles sont nécessaires, car elles ont pour fonction d’aiguiller les individus sur les voies à suivre et de leur indiquer celles à éviter. Le seul principe d’égalité défendu ici est ainsi l’égalité des droits.

La principale limite de cette théorie de la justice sociale est qu’elle est, pour l’essentiel, insensible aux conséquences de la liberté absolue en matière économique avec par exemple la possibilité d’écarts de revenus considérables. Ces écarts peuvent-ils être acceptés socialement ? La charité privée parfois mise en avant peut-elle suffire ? La justification par l’efficacité plus grande du marché qui devrait profiter à tous reviendrait plutôt à s’intéresser au bien-être des individus plutôt qu’à leur liberté … et donc non pas aux libertariens mais plutôt aux utilitaristes. On voit que la question de l’égalité est secondaire dans la philosophie libertarienne.

2.2.4. L’égalitarisme libéral cherche à concilier liberté et égalité.

Pour cette théorie de la justice sociale développée par John Rawls (1921-2002), la société juste est celle qui accorde le maximum de droits et de libertés aux individus et garantit la stricte égalité des chances entre les individus, en tenant compte des inégalités sociales dans les conditions initiales.

Le philosophe John Rawls définit trois principes de justice fondamentaux :

  1. le principe de liberté : il doit y avoir pour tous un système de libertés le plus étendu possible.
  2. le principe de différence : les inégalités peuvent exister à condition qu’elles profitent au plus désavantagé.
  3. Le principe d’égalité équitable des chances : toutes les positions sociales doivent être ouvertes à tous.

On parle d'égalitarisme libéral car cette doctrine tente de concilier libéralisme (la liberté est le premier principe, le plus important pour Rawls) et égalitarisme (les inégalités ne sont justes que si elles maximisent l'avantage des plus favorisés), en sachant que le principe d’égalité équitable des chances l’emporte sur le principe de différence.

L’égalité des chances est garantie lorsque l’origine sociale des individus n’impacte pas leurs chances d’accéder à telles ressources matérielles (métier, salaire) ou symboliques (diplôme, statut social). Les inégalités, quant à elles, sont justes uniquement si elles profitent aux plus démunis (c’est le principe de différence). Ainsi, si certains individus accèdent à des niveaux d’études plus élevés et permettent alors d’améliorer le capital humain de la société, et de développer des activités d’innovation et des productions utiles aussi aux moins instruits, cette inégalité est considérée comme juste.

Nous venons de le voir, il n’y a pas une conception unique de la justice sociale dans les sociétés démocratiques, il n’y a pas non plus de conception de la justice sociale qui soit intrinsèquement « supérieure » aux autres. En effet, tout dépend du système de valeurs à l’aune duquel on juge la situation. Chaque société a construit un consensus autour de ce qui est considéré comme « juste ». Ce consensus n'est évidemment jamais définitif, il est toujours en recomposition.

Comment construire ce consensus ? Chaque société élabore le sien au gré des événements historiques, des préférences idéologiques. Mais les philosophes de la justice sociale imaginent des situations qui donnent des pistes pour l’élaboration de ce consensus. John Rawls imagine la métaphore du voile d’ignorance :Le « voile de l’ignorance » est une situation hypothétique inventée par Rawls pour pouvoir dégager quels seraient les principes de justice. Le « voile de l’ignorance » serait la situation dans laquelle les individus ne connaîtraient pas leur place, leur statut dans la société. Sous le voile de l’ignorance les individus proposeraient les meilleurs principes de justice puisqu’ils ne connaîtraient pas leur propre situation. Ils décideraient de principes qui ne les léseraient pas dans n’importe quelle situation (au cas où ils se retrouveraient dans la situation du plus défavorisé). Ce principe reste néanmoins très théorique.